Un billet pour Tombouctou
Ajoutez un commentaire 15 mai 2006
Il fut un temps où l’on fuyait l’Europe à la recherche de tolérance. Il fut un temps où, pour sauver des livres, on devait traverser la Méditerranée. En 1467, à Tolède, les “vieux chrétiens”, qui voulaient nettoyer la Castille de “sang impur”, écrassèrent une révolte de “chrétiens nouveax”, convertis de tout bord. La situation devenant intolérable, un groupe de musulmans décida de s’exiler un an plus tard. Parmi eux, Ali ben Ziyad al Quti, Visigoth islamisé, juge et amoureux des livres, qui partit avec “peu d’or et beaucoup de manuscrits”.
Après passage par Séville et Grenade, Ali ben Ziyad arriva au Maroc via le détroit de Gibraltar. Il continua à acheter des manuscrits tout au long de son périple. Il traversa le désert et continua voyage vers le sud. Arrivé aux terres de l’Empire Songhay, il se maria avec la soeur du futur empereur ghay, fondant ainsi une dynastie métisse. Son fils, Mahmud Kati, devenu historien de Tombouctu (dans l’actuel Mali) est à l’origine de celle qui est considérée comme la première bibliothèque de l’Afrique noire. Il a donné son nom a l’extraordinaire collections de manuscrits connue aujourd’hui comme le Fonds Kati. On y trouve des ouvrages de géographie, histoire, médecine, voyages et religion, principalement en langue arabe, mais aussi en hébreux, entre autres. Ils provenaient en grande partie de Al-Andalus (L’Andalousie).
Suite à des renversements de sort, le contenu de la bibliothèque passa en mains privées, dont des membres de la famille Kati. Des siècles sont passés. A Tombouctou il existe actuellement, outre le IHERIAB (étatique) un certain nombre de bibliothèques privées, mais accessibles aux studieux, qui accueillent quantité de ces manuscrits remarquables. Il existe, en plus, des ouvrages gardés par des familles qui, non seulement ignorent leur immense valeur (de tout point de vue), mais sont dans une sitation de grande précarité qui les empêcherait de toute manière d’en prendre soin.
Mais même les bibliothèques reconnues sont en danger. Les moyens manquent, et les dégradations guettent. On y trouve toute la panoplie à Tombouctou : rongeurs et insectes, danger d’incendie, maisons qui laissent entrer l’eau pendant la saison des pluies… ainsi que la fragilité des anciens manuscrits qui risquent de s’éffriter par de mauvaises manipulations…etc.
Tout n’est pas perdu. On peut trouver encore des manuscrits, sur des supports résistants, dans un bon état de conservation. Un projet international de sauvetage des bibliothèques de Tombouctou a été organisé par l’UNESCO et des universités européenes. Celui-ci a établi trois axes : Conservation physique, Gestion électronique, Tourisme et diffusion. Ce dernier axe permettrait de générer des fonds pour le projet, alliant culture et fantasme : la réputation de la mystérieuse ville aux 333 saints n’est plus à refaire.
Le gouvernement français, de même que des universités d’outre Atlantique, collaborent aussi à certains projets. Il arrive parfois de l’aide de certians pays arabes. Cela permet à des bibliothèques privées comme la Mama Haidara d’investir, même modestement, dans la conservation, la formation et l’accès aux documents. La réalisation de plus grande envergure pourtant est celle qui touche le fonds Kati, pour lequel on a construit en 2003 la bibliothèque Andalusi qui abritera plus de 3000 volumes du XVème et XVIème siècles fondamentalement. Celle-ci a pu se concrétiser grâce à l’aide substantielle du gouvernement espagnol et andalou en particulier.
Malgré tout cela, la situation est loin d’être rose. Le temps et les moyens insuffissants malgré tout conspirent contre le sauvetage. Le pillage et la contrebande existent, et il semblerait (selon Le Monde diplomatique d’août 2004) que le traffic passe aussi par la Suisse, où les manuscrits sont “maquillés” puis revendus.
Mais soyons optimistes. Parmi les trésors de la ville mythique il existe un étrange manuscrit, sorte d’anthologie des prédictions érronées, ne jamais accomplies (qui serait certainement apprécié par certains de nos politiciens et météorologues). On le doit à Sayyid al-Din Abdullah ibn Amar al-Misri, qui vécut au XVIème siècle. Espérons que la disparition des bibliothèques de Tombouctou s’y trouve consignée.
Note : bientôt une mini bibliographie sur le sujet